Après dix ans de silence, d’absence et de rancœur, Franck se décide enfin à tourner la page et à retourner dans la ferme familiale. Auparavant, il décide d’appeler, afin de prévenir ses parents de son retour prochain. Mais la surprise s’avère être de taille, lorsque curieusement, c’est un petit garçon qui décroche. Il s’appelle Alexandre, comme son petit frère décédé il y a une dizaine d’années. Franck se pose alors quelques questions : qui est ce petit garçon ? Ses parents n’auraient-ils pas déménagé ? Où sont-ils ?... Il décide cependant d’aller voir ce qu’il se passe.
En parallèle, Louise, décide elle aussi de retourner dans la maison de ses beaux parents afin d’y passer quelques jours avec son fils. Franck et Louise ne s’étaient vus qu’une seule fois, lors de l’enterrement d’Alexandre. Cette fois-là, ils ne s’étaient pas parlé. Et pourtant, en ce voyant cette seconde fois, une sorte d’osmose nait entre ces deux personnages. Ils ont la faculté de se comprennent sans réellement se confier, sans réellement se parler…
Il va m’être difficile de parler de ce roman et pourtant, je l’ai vraiment aimé… Seulement voilà, je me retrouve devant la « page blanche » avec finalement très peu de choses à dire à part peut-être qu’il faut le lire pour savoir… Mais essayons…
Le roman est lent, mais bizarrement, ça ne m'a pas déplu… L’auteur prend le temps de créer un cadre, de guider son lecteur, de lui faire part du décor dans lequel évolueront les personnages… L’auteur nous fait, par ailleurs, une sorte d’ode à la nature, car une très grande partie du roman nous décrit des paysages champêtres. Tout au long de ma lecture, j’ai pu ainsi prendre le temps de percevoir les sentiments des personnages, leur manière de voir les choses, entrer dans leur tête,… Même s’il ne se passe pas grand-chose, j’ai aimé ce roman qui se déroule tout en finesse, en lenteur et en poésie. J’ai eu la réelle impression d’être bercée par les mots, de voir ce décor, de comprendre les sentiments, les inquiétudes, les situations des deux protagonistes. Finalement, on pourrait presque dire qu’il s’agit d’une histoire banale et sans action mais la plume de Serge Joncour est vraiment magnifique. J’ai d’ailleurs pour fâcheuse habitude de corner les pages pour me souvenir des passages que j’ai aimé, pour garder une trace de ces belles phrases. Hé bien là, le livre est corné, archi corné même. L’écriture de l’auteur est assez simple, sans fioritures, sans grandes phrases, et pourtant je trouve les mots bien choisis et bien assemblés. Le tout forme un ensemble très agréable à lire et donne un texte vraiment très beau et très poétique.
L’amour sans le faire, c’est une histoire simple et décousue à la fois, où l’on assiste à la rencontre de deux êtres perdus, à la dérive. Les deux personnages semblent épuisés par leur mode de vie, par leur lieu d’habitation, par la vie, d’une manière générale. J’ai d’ailleurs eu parfois l’impression d’avoir affaire aux personnages de Les heures souterraines de Delphine de Vigan. J’ai eu l’impression d’assister au même naufrage d’êtres humains…
Ces personnages m’ont d’ailleurs beaucoup émue. Je ne peux pas dire qu’un personnage m’a plus plu qu’un autre car tous ont une psychologie à la fois complexe et intéressante. J’ai trouvé que chaque personnage apporte un petit peu de fraîcheur au roman. Louise par sa finesse et sa pudeur. Franck par son côté « ours », par cette carapace qu’il endosse. Et le petit Alexandre pour sa fraîcheur, sa joie de vivre. En chacun des personnages, j’y ai trouvé une force assez incroyable alors que, pourtant, tous se sentent et se voient comme faibles…
En bref
Serge Joncour nous offre un beau moment de lecture avec L’amour sans le faire. L’histoire est simple, voire même banale, mais l’histoire est très pleine de tendresse, les personnages sont accessibles, « humains ». La plume de l’auteur, quant à elle, est vraiment sublime.
« Ne pas pouvoir s’aimer, c’est peut-être encore plus fort que de s’aimer vraiment, peut-être vaut-il mieux s’en tenir à ça, à cette très haute idée qu’on se fait de l’autre sans tout en connaître, en rester à cette passion non encore franchie, à cet amour non réalisé mais ressenti jusqu’au plus intime, s’aimer en ne faisant que se le dire, s’en plaindre ou s’en désoler, s’aimer à cette distance où les bras ne se rejoignent pas, sinon à une peine du bout des doigts pour une caresse, une tête posée sur les genoux, une distance qui permet tout de même de chuchoter, mais pas de cri, pas de souffle, pas d’éternité, on s’aime et on s’en tient là, l’amour sans y toucher, l’amour chacun le garde pour soi, comme on garde à soi sa douleur, une douleur ça ne se partage pas, une douleur ça ne se transmet pas par le corps, on n’enveloppe pas l’autre dans sa douleur comme le submerge de son ardeur. C’est profondément à soi une douleur. L’amour comme une douleur, une douleur qui ne doit pas faire mal. »
Les avis de Laeti, histoire de livres, ...
Flammarion, 320 pages, 2012
J’en profite pour remercier PriceMinister pour l’envoi de ce roman auquel j’attribue la note de 17 (en savoir plus sur le roman).
2/7