La part de l’autre, c’est un livre que j’ai lu lorsque je devais avoir quinze-seize ans, par pur hasard. De là, je peux en dire plusieurs choses… Déjà, ce livre m’a profondément marquée. En effet, j’avais encore des cours d’histoire-géo et ceci m’a permis d’en savoir un peu plus que les autres sur cette période, sur cet Hitler. Ensuite, il a été l’un de mes préférés pendant des années. Je l’ai partagé, et recommandé un nombre de fois assez impressionnant. Et puis, c’est avec ce livre que j’ai découvert EES, et donc c’est à partir de là que je suis devenue « une fan ».
Quelques années plus tard, j’en reparle avec mon entourage et je me rends compte que j’ai une envie folle de relire ce livre dont les souvenirs sont de plus en plus flous… Chose faite, mes sentiments pour La part de l’autre restent inchangés, malgré un esprit critique qui pointe le bout de son nez…
En 1908, Adolf Hitler tente le concours d’entrée aux Beaux art de Vienne, sans succès… Que se serait-il passé s’il n’avait pas été recalé ? Est-ce que cet infirme incident aurait changé le cours des choses ? Eric-Emmanuel Schmitt imagine alors la vie d’un Adolf H. hypothétique qui aurait été accepté par l’école, et qui se serait épanoui dans la peinture, qui aurait été entouré d’amis fidèle, de plusieurs amours. Et de l’autre côté, il nous narre la vraie vie d’Hitler, Homme frigide et violent, aimant la guerre et le pouvoir…
En retraçant la vie d’Adolf Hitler, nommé Hitler dans le livre et en inventant la présupposée vie d’Adolf H. s’il avait réussi le concours d’entrée aux Beaux-Arts de Vienne, Eric-Emmanuel Schmitt arrive à faire naitre une petite pépite littéraire qui ne laisse pas son lecteur indifférent. Avec une plume simple, et fluide, EES retrace le parcours de cet Homme qui a marqué l’Histoire.
Entre ces deux parties bien distinctes, celle sur la vraie vie d’Hitler m’a le plus intéressée… D’ailleurs, on peut le lire comme une biographie plus ou moins romancée, car elle a été lue par des historiens qui n’ont rien trouvé à dire sur le livre d’EES. En ce qui concerne la vie inventée à Hitler par l’auteur, je l’ai trouvée intéressante, elle fait poser de vraies questions, mais je lui ai trouvé certaines longueurs, certains détails fantaisistes parfois inutiles… Malgré tout, ceci n’enlève rien à l’œuvre formée… C’est un roman superbe, nécessaire, à mettre entre toutes les mains.
Je n’avais pas lu lors de ma première lecture la postface « Le journal de la part de l’autre ». La seconde fois, j’ai hésité, et finalement, je me suis lancée… C’est un cours journal qui retrace les doutes de l’entourage de l’auteur concernant l’écriture de ce livre, ses propres inquiétudes à lui, ses lectures, … J’ai trouvé ce cours journal très intéressant car il permet de comprendre les raisons qui ont poussées Eric-Emmanuel Schmitt à écrire un livre comme celui-ci, qui permet de comprendre comment il s’est organisé dans son travail… Et finalement, je trouve que cette partie un petit plus enrichissant à cette lecture…
La part de l’autre reste pour moi un livre passionnant et dérangeant. Passionnant, parce qu’on en apprend des choses sans être ennuyé, lassé, épuisé d’entendre rabâcher des choses vues et revues comme c’est le cas dans certains cours d’histoire-géo. On apprend des choses qui vont au-delà des leçons, sans pour autant avoir sous nos yeux une biographie bête et méchante. J’ai ainsi été surprise de découvrir qu’Hitler s’est révélé antisémite après la défaite allemande lors de la Première Guerre Mondiale… Pour lui, la défaite a été causée par les Juifs. Avant cet Homme entretenait des rapports entièrement pacifistes avec les Juifs et ne comprenait pas les idées antisémites de son maitre : Wagner. On apprend également qu’Hitler a connu la misère, la vraie, avant d’accéder au pouvoir… C’est la guerre qui a sorti Hitler de la rue. Et là j’en arrive au côté dérangeant : on arrive parfois à éprouver une certaine compassion pour cet Hitler, à voir autre chose que le monstre sommeillant en lui… J’ai éprouvé une certaine pitié pour Hitler devenu SDF, pour cet Hitler incapable d’éprouver un quelconque sentiment, pour cet Hitler devenant fou, comme possédé… C’est dérangeant d’éprouver des sentiments comme ceux-ci pour quelqu’un qui a commis autant de mal. C’est dérangeant et inquiétant…
Et puis, je dois bien avouer qu’au début, cette vie inventée à Hitler ne m’a pas trop convaincue… Là encore, comment est-ce possible d’accepter qu’en Hitler il n’y ait pas que du mal ? Comment peut-on penser qu’Hitler aurait pu être quelqu’un de « normal », quelqu’un de bien, quelqu’un altruiste ? Au début, c’est dur d’accepter la version d’Eric-Emmanuel Schmitt… Et puis, petit à petit, en entrant pleinement dans le livre, j’ai accepté, j’ai compris, j’ai fini par y croire… Et finalement, je me suis dit « pourquoi pas ? ». Est-ce que notre vie n’est-elle pas déterminée de petits éléments déclencheurs qui font que l’on devient ce que l’on est ?
En bref
Avec simplicité et fluidité, Eric-Emmanuel Schmitt retrace la vie d’Hitler et invente une vie hypothétique à cet Homme qui a marqué l’Histoire. Le tout forme un ensemble superbe, grandiose, nécessaire, à mettre entre toutes les mains…
« Qu'est-ce qu'un monstre ? Un homme qui fait le mal à répétition.
A-t-il conscience de faire le mal ? Non, la plupart du temps. Parfois oui, mais cette conscience ne le change pas. Car le monstre se justifie à ses yeux en se disant qu'il n'a jamais souhaité la mal. C'est juste un accident de parcours.
Alors que tant de mal se fait sur cette planète, personne n'aspire au mal. Nul n'est méchant volontairement, même le plus grand trompeur de promesses, le pire des assassins ou le dictateur le plus sanguinaire. Chacun croit agir bien, en tout cas en fonction de ce qu'il appelle le bien, et si ce bien s'avère ne pas être le bien des autres, s'il provoque douleur, chagrin et ruine, c'est par voie de conséquence, cela n'a pas été voulu. Tous les salauds ont les mains propres. »
Les avis de Céline, Lasardine, Un chocolat dans mon roman, ...
Le livre de poche, 503 pages, 2003