Durant la Seconde Guerre Mondiale, le narrateur embarque sur un bateau reliant New-York à Buenos-Aires. En discutant avec l’un des passagers, ce dernier apprend que Czentovic, célèbre joueur d’échecs est à bord. Le narrateur éprouve une violente envie de le rencontrer et de l’analyser car on dit qu’il a une psychologie très particulière et très intéressante. Pour provoquer une rencontre, le narrateur commence, avec d’autres passagers, à jouer aux échecs. Czentovic passant par-là dispute une première partie avec eux. C’est alors qu’apparaît M. B.. Ce dernier souffle les coups à jouer et se révèle être d’excellent conseil. Czentovic voudra alors jouer une partie seul contre ce mystérieux joueur qui prétend ne pas avoir joué depuis vingt ans. Comment a-t-il obtenu un tel niveau ? Pourquoi ne pas avoir disputé d’autres parties depuis tant d’années… ?
Après avoir découvert l’écriture riche et foisonnante de Stefan Zweig dans Le voyage dans le passé, j’ai petit à petit acheté plusieurs livres de l’auteur. Et puis, après avoir effectué mon stage de troisième année dans une ludothèque et après avoir tant entendu parler du Joueur d’échecs, livre jugé comme référence au sein de la structure je n’ai pas su résister à la tentation… Et j’ai vraiment bien fait !
Zweig pousse deux intrigues en un seul livre : dans un premier temps, il nous parle de Czentovic et de la façon dont il a appris à jouer aux échecs. Jugé un peu simplet, et pas vraiment doué pour l’école, le garçon a appris à jouer en regardant les autres. Et tout à coup, l’histoire bascule et se concentre sur ce M. B.. C’est l’occasion pour le lecteur de découvrir deux vies, deux manières totalement opposées d’apprendre à jouer à ce jeu. Puisque M. B. a appris à jouer dans des circonstances tragiques. Prisonnier des nazis, il a vécu l’enfermement psychologique. Après avoir dérobé un livre contenant 150 parties d’échecs, ce dernier en a fait une véritable passion, une véritable obsession. Dans un livre d’une centaine de pages, Zweig analyse avec précision la psychologie tourmentée d’un joueur d’échecs. Il en profite également pour glisser aux lecteurs quelques mots sur la Seconde Guerre Mondiale et sur les techniques de dénonciations inventées par les nazis.
Le tout forme très vite un récit et un témoignage passionnant, riche et dense. J’ai été captivée par cette histoire qui aurait pu, au premier abord, m’ennuyer puisque je ne suis tout simplement pas fan d’échecs. Pourtant, le récit se concentre énormément sur la psychologie des personnages et finalement, le côté très théorique des échecs passe au second plan. L’auteur aborde la folie sous deux formes différentes : la folie du jeu et la folie humaine, toutes les deux passionnantes.
Quant au style de l’auteur, j’ai su retrouver dès les premières pages un style est très fluide, sans lenteurs, tant apprécié dans Le voyage dans le passé. Le vocabulaire est dense, riche et terriblement précis !
A découvrir, vraiment !
« Je m’approchai et crus reconnaître à la forme rectangulaire de cette bosse ce que recelait cette poche un peu gonflée : un livre ! Mes genoux se mirent à trembler : un LIVRE ! Pendant quatre mois, je n’en avais pas tenu un entre mes mains, et la simple idée dans livre dans lequel on puisse voir un suite de mots, des lignes, des pages et des feuilles, un livre où l’on puisse lire des pensées différentes, nouvelles, inconnues, distrayantes, pour les suivre et se le mettre dans la tête, avait quelque chose de grisant et d’étourdissant à la fois. »
Le livre de poche, 125 pages, 2010