Parce que la lecture est une passion qui se partage, il me fallait un univers bien à moi. Des livres, des Bandes dessinées, de jolies découvertes et quelques déceptions. Bienvenus dans la bibliothèque de Marion.
J'ai eu l'occasion de découvrir cette auteure et son oeuvre lors de la fête du livre de Saint-Etienne. Après avoir longuement hésité (ma carte bleue criait au secours!), je n'ai pas pu résister. Il faut dire que Camille de Peretti m'a convaincue en me disant simplement "Tu as lu les Liaisons dangereuses? J'espère que tu ne seras pas trop cruelle avec moi". Une très belle découverte encore!
A la fin de sa dernière année de lycée, Julien écrit une première lettre à Camille afin de lui dire combien il a été content de la voir chaque jour et combien il pense à elle, seul dans son internat de Saint Cyr. Ils entament alors une correspondance. Au début, celle-ci n'a que très peu d'importance. Puis petit à petit, ils se découvrent une passion commune: la littérature de XVIIIe siècle et surtout, un livre: Les liaison dangereuses. Ils décident alors d'endosser le rôles des protagonistes de ce livre: la marquise de Merteuil sera incarnée par Camille et le Vicomte de Valmont par Julien. Tout comme dans ce livre, les deux jeunes adultes doivent collectionner les conquêtes, les trophés, et jouer avec les sentiments de leurs victimes, mais surtout, ils ne doivent jamais tomber amoureux. Seulement voilà, jusqu'où peut-on jouer avec les sentiments des autres?
Une réécriture contemporaine des liaisons dangereuses... C'est risqué, c'est sûr! Et pourtant le pari est réussi, vraiment! Je ne m'attendais vraiment pas à ce résultat, mais je suis conquise!
Il faut dire que la plume de l'auteure est extrêmement fluide, lisible, agréable et ce, malgré le genre épistolaire de ce roman (après, j'adore les romans épistolaires alors je ne suis peut-être pas très objective...?). Chaque fin de lettre m'a donné envie de continuer, toujours plus vite. J'ai eu peur de me lasser de ce récit au beau milieu, mais au contraire! J'ai été totalement happée par la fin (que j'ai énormément aimée au passage).
Ce livre est une petite merveille parce qu'il sait très bien reprendre l'oeuvre initiale. J'ai eu le plaisir de retrouver de petites notes de l'éditeur en bas de page qui m'avaient tant fait sourire au lycée, de redécouvrir cette écriture que j'avais tant aimée, de retrouver des extraits des Liaisons dangereuses, de trouver une multitude de références littéraires que je connaissais plus ou moins (Kant, Hegel, Albert Cohen, Marguerite Yourcenar et j'en passe!). Mais surtout, l'audace de Camille de Peretti c'est d'insérer au milieu de cette écriture d'un autre temps une plus moderne qui fait contraste avec tout le reste. D'ailleurs, dans Nous sommes cruels, le genre épistolaire est lui-même poussé à l'extrême: textos, e-mails, lettres... Et ça, ça m'a vraiment plu!
L'auteure intègre à son roman de jeunes adultes, tout juste sortis de leur adolescence pour jouer à ce jeu dangereux. Tous les deux sont impitoyables, cyniques, et entretiennent une relation plus ou moins anbigüe. Ils proviennent de familles aisées, dans lesquelles parents ne sont que peu présents. Au final, leur jeu débute avec une profonde envie de s'amuser un peu. Et puis tout dérape et impossible de les arrêter. Au final, ce jeu, ce Livre nous montre à quel point l'être humain peut-être cruel, manipulable, manigancable. Plusieurs fois, je me suis demandée quand est-ce que les deux protagonistes allaient craquer, tout arrêter, mais non rien n'y fait. Ils sont prêts à tout perdre, et continuent sans relâche. Et puis au final, on se rend compte que continuer leur permet d'échapper à ce qu'ils craignent le plus: l'amour, et le monde adulte. Il faudra attendre une fin tragique pour que leur vie bascule, enfin on l'espère...
Malgré toutes ces louanges, je trouve cependant quelques petits bémols à cet oeuvre (mais tous petits!), qui font que Nous sommes cruels n'est pas un coup de coeur (mais pas loin). Je ne peux pas m'empêcher de comparer cette oeuvre à celle de Laclos... Et je n'arrive pas à retrouver ces manigances, ces médisances que j'avais pu trouver dans Laclos... Je crois que je n'ai pas trouvé les personnages assez focus...
Et puis, certaines lettres m'ont semblées ne pas être à leur place. Je m'explique: Camille entretient une correspondance avec une femme qu'elle considère comme sa grand mère. Or, je n'ai pas vraiment trouvé d'intérêt à celle-ci... Peut-être permet-elle a montrer que Camille à au final un coeur, qu'elle n'est pas aussi cruelle qu'elle le montre (ce ne sont que des suppositions...). Mais au final, Camille ne doit-elle pas rester un anti-héros?
En bref
Je suis conquise par cette réécriture moderne des liaisons dangereuses. L'auteur alterne avec brio une écriture moderne et une écriture qui ressemble beaucoup à celle de Laclos. Une petite pépite à mettre entre toutes les mains.
"Ne vous ai-je pas prouvé maintes fois qu'il n'y avait aucun sacrifice que je ne ferais pas pour conserver notre amitié? Mais peut-être est-il déjà trop tard. Aussi n'hésitez pas à me congédier lorsque ce dernier aura complètement pris ma place, j'irai me rabattre sur mon adorable et versatile perroquet ainsi que vous la nommez lorsque vous n'employez pas la douce épithète de petite cruche"
Editions Stock, 318 pages, 2006